Marc
Hardy

[contacté par Wouter Porteman]
Albums de Marc Hardy (1952, Belgique) :
Arkel (scénario de Stephen Desberg, 1 album, Dupuis + 3 albums, Palombia) Badminton en Amazonie (scénario de Mittéi, Michel Deligne) Croqu'la Vie (scénario de Yann, 2 albums, Marsu Productions) Feux (scénario de Tome, Dargaud) Lolo et Sucette (scénario de Yann, 6 albums, Dupuis, premièrement chez Glénat) La Patrouille des Libellules (scénario de Yann, 3 albums, Glénat) Pierre Tombal (scénario de Raoul Cauvin, 23 albums, Dupuis) La Prodigieuse Épopée du Tour de France (scénario de Yves Duval, Gamma).

Petit monde :

En 1969, Hardy fait son apprentissage en tant que dessinateur chez Mittéï pour la série de gags, Modeste et Pompon. Mittéi était le repreneur de Modeste et Pompon après que Dino Attanasio se chargait de cette série de Franquin.

Site web : www.hardymarc.com
Qu'est-ce qui rend Franquin si extraordinaire ?
Ce qui rend Franquin extraordinaire ?... Vaste question...
Tout d'abord, il a plus que du talent, du génie... Ensuite, il ne s'est jamais laissé aller à son talent, il s'est en permanence remis en question. Il a toujours été à la recherche du petit quelque-chose de différent, d'une autre manière de faire, de trousser les choses, d'un nouveau matériel, d'un nouvel esprit, d'une nouvelle vision... Cette quête permanente assise sur ce talent énorme en ont fait un auteur exceptionnel. De plus, par l'apparente simplicité, à certaines périodes, de son travail, il a eu un grand nombre d'émules qui ont popularisé sa façon de faire et ont ajouté une cerise sur le gâteau de sa popularité.
Comment avez-vous fait connaissance avec Franquin ou ses albums ? Quels sont votre premiers souvenirs de lui ? Avez-vous eu des contacts personnels ?
Mon premier contact avec Franquin a été indirect. Je devais avoir six, sept ans. Les carnets de poésies étaient alors courants. Un copain avait redessiné un gag de Gaston dans le mien, celui dans lequel il fait des ronds de fumée et s'en sert comme d'un hulla hop. Même chez de tous jeunes enfants, il avait déjà des émules. Mes premiers souvenirs ont été atroces. J'avais seize ans et venais proposer des pages à la rédaction de Spirou.
Il y était présent, a demandé à regarder mon travail... et n'a rien dit ! Pas un mot, pas un geste, pas un regard, nada! Comme je le disais plus haut, c'est atroce.
J'ai eu, par après, quelques contacts personnels avec lui. Il aimait bien mon dessin et s'était pris d'une certaine affection pour moi. Nous sommes allés parfois prendre un verre ensemble et je l'écoutais parler.
Plus tard, j'ai perdu mon travail. Il m'a fallu presque un an avant de retrouver un éditeur. Il téléphonait régulièrement pour prendre de mes nouvelles chez mes parents (je n'avais pas le téléphone). Cela me mettait du baume au coeur.
Mais jamais je ne me suis vraiment laissé aller dans nos relations, une séquelle probable de notre première rencontre.
Je pense qu'il a été plus intime avec ma mère au téléphone que je ne l'ai jamais été avec lui.
Quel(le) est votre album, aventure, gag ou personnage préférée de Franquin et pourquoi ?
Très difficile à dire... Je dirais plutôt un morceau de case par-ci, un trait par-là, une séquence ici... Il était très fort graphiquement,
jusque dans les moindres détails. Le plus insignifiant des petits objets vivait.
Franquin a-t-il influencé quelque part votre style, votre manière de travailler ?
Bien sûr ! Je pense que Franquin a influencé nombre de dessinateurs de ma génération, même certains réalistes. Un auteur est un réceptacle. Toute ma vie, j'ai subi (le terme n'est pas beau)... j'ai accueilli, recueilli des influences. Certaines sont visibles, d'autres le sont moins, pour d'autres encore, moi seul le sait, mais elles sont là. Notre travail est en partie la somme de nos influences, régurgitée à travers notre propre personnalité. Le danger, parfois le drame avec Franquin, est que certains ne se nourrissaient que de lui.
Quel est selon vous l'impact de Franquin au monde de BD présent ?
Difficile à dire. Il est allé presque au bout d'une démarche et était trop talentueux pour ne pas, à terme, devenir paralysant. Il faut s'en débarrasser comme, en leur temps, certains durent se purger de Gustave Doré, de Milton Caniff.... Mais l'action de devoir s'éloigner est déjà, en soi, fécondante. Et puis, le temps passe. Il n'est plus incontournable. Mais je souhaite que beaucoup puisent encore en lui le meilleur de ce qu'il avait à nous offrir...
...Un goût énorme pour la chose bien faite, le plaisir de se remettre en question et une grande humilité face à notre magnifique métier qui, s'il est un art, reste avant tout un art populaire, dans sa plus belle acception.