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Qu'est-ce
qui rend Franquin si extraordinaire ?
Le bonhomme est un génie graphique. Son dessin est
parfait, ses interprétations humoristiques des décors,
voitures et autres personnages montrent à l'évidence
qu'il les a longuement observés en style réaliste,
et qu'il saurait les dessiner ainsi sans effort. Je crois me souvenir
d'une phrase de lui disant que pour « caricaturer »
ou plutôt interpréter un lion (ou un éléphant,
comme dans Tembo Tabou) sur le mode humoristique, il faut
d'abord savoir le dessiner d'après nature pour le «
comprendre » avant d'ensuite le régurgiter déformé... |
Comment
avez-vous fait connaissance avec Franquin ou ses albums ? Quels
sont votre premiers souvenirs de lui ? Avez-vous eu des contacts
personnels ?
Un beau jour de 68, alors que les pavés cachaient
à peine la plage au Quartier Latin et que la France saisie
d'une soudaine poussée de fièvre se révoltait
en masse, est paru un petit livre de poche qui a guidé mes
premiers pas vers la BD. Je sais de façon certaine que c'est
ce livre qui a déclenché mon désir et tracé
mon destin de dessinateur.
J'allais avoir 12 ans...
À cet âge, dans ma Lorraine natale loin du bruit et
de la fureur, politique et destin du pays importent peu, passant
très au-dessus. Le hasard fait que je ne retiens de Mai
68 que le fait d'avoir acheté ce mythique petit
livre, Comment on Devient Créateur de Bandes Dessinées,
rempli de textes, de photos et de dessins, suite de deux longs et
passionnants entretiens avec des "pointures" de ce métier
qu'étaient Franquin et Jijé.
J'affirme haut et fort que ce sont ces deux-là (et les conseils
de Philippe Vandooren, auteur du-dit ouvrage) qui
ont décidé de mon avenir... La plupart des auteurs
de ma génération ont d'ailleurs fait leurs classes
avec cette véritable bible de chez Marabout
bourrée de conseils et d'exemples...
Ensuite j'ai acheté Spirou, enfin le journal, avec
régularité. Moi j'étais plutôt un lecteur
de Tintin... J'y ai découvert Gaston, qui
reste mon choc graphique de l'année 68.
Je ne l'ai jamais rencontré, ni même croisé
dans aucun festival. |
Quel(le)
est votre album, aventure, gag ou personnage préférée
de Franquin et pourquoi ?
Gaston,
toujours... Le doux rêveur et le génie à l'état
pur. Décidément « génie » est un
mot que j'accole à Franquin quoi qu'il arrive. Je suis aussi
un fan de QRN sur Bretzelbourg. |
Franquin
a-t-il influencé quelque part votre style, votre manière
de travailler ?
Mon style non, pas du tout. Mais techniquement, oui : la
façon de travailler, le papier et ses choix de plumes et
de papiers décrits dans le livre cité plus haut...
Je rêve encore à cet « appareil à hachurer
de marque Kern » dont il parlait il y a 40
ans. Mais j'ai connu un autre jeune génie, nommé Debarre
qui lui est tombé dedans étant petit. |
Quel
est selon vous l'impact de Franquin au monde de BD présent
?
Forcément énorme, sur l'ensemble de la production
pendant des années où il a généré
une flopée d'auteurs qui ont repris ses codes avant de grandir
de leur côté. Mais depuis l'invasion des Mangas, je
doute que les jeunes qui débarquent ne s'en inspirent. Ils
le découvriront sans doute plus tard. Comme Hergé,
qui est souvent dédaigneusement regardé par les jeunes
dessinateurs avant qu'il ne comprennent qu'à l'instar d'André,
Georges est lui aussi incontournable. Deux génies belges.
Et c'est un Français qui vous le dit. |
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