|
Qu'est-ce
qui rend Franquin si extraordinaire ?
Son génie graphique, sa virtuosité, sa gentillesse,
sa remise en question permanente. Ce fut le premier véritable
artiste en BD, dont l'œuvre est le reflet de ses états
d'âme, le journal intime de ses obsessions, de ses phantasmes.
Le plus triste est qu'il était le seul à douter de
sa valeur. Je me rappelle d'un jour ou Numa Sadoul
tentait de le rassurer en lui rappelant qu'il avait des millions
de lecteurs qui le vénéraient. Il a répondu
qu'il pouvait y avoir des millions de cons et que d'ailleurs des
millions de gens avaient élu Hitler au pouvoir.
Aujourd'hui, j'ai envie de lui répondre "Cher André,
tu a raison, mais toi au moins, tu les a fait rire..." |
Comment
avez-vous fait connaissance avec Franquin ou ses albums ? Quels
sont votre premiers souvenirs de lui ? Avez-vous eu des contacts
personnels ?
J'ai rencontré Franquin à l'âge
de 13 ans, il m'a donné ses premiers conseils de professionnel
et n'a cessé de me suivre. Aujourd'hui encore, j'entends
certaines de ses phrases. Il a su distinguer dans mes premières
BD ce qui était en germe et m'a encouragé à
le développer. Il avait un œil extraordinaire, intransigeant.
C'était un maître, le seul génie graphique que
la BD a compté avec Mœbius. Les autres
(n')ont (que) énormément de talent. |
Quel(le)
est votre album, aventure, gag ou personnage préférée
de Franquin et pourquoi ?
Un
gag. Celui ou Gaston dans sa voiture se fait dépasser par
une autre voiture beaucoup plus rapide. A la quatrième case
on découvre que Prunelle peut d'ailleurs en ouvrant la portière
cueillir des pâquerettes, ce qui donne toute la relativité
de la vitesse à laquelle roule la voiture de Gaston. Un gag
révolutionnaire sur l'illusion du mouvement en BD, sur la
manipulation du lecteur, sur la relativité. Un humour subtil
aux frontières de la métaphysique, de la poésie...
L'exemple même de la spécificité du langage
BD, intraduisible dans un autre média.
|
Franquin
a-t-il influencé quelque part votre style, votre manière
de travailler ?
Il a été un guide, pendant toute une époque,
un peu comme un père... que j'ai tué un jour (graphiquement)
sur l'autel du réalisme. Pour pouvoir mieux s'en souvenir...
Comme tous les pères. |
Quel
est selon vous l'impact de Franquin au monde de BD présent
?
Je ne connais pas un dessinateur humoristique qui ne puisse
prétendre ne pas avoir été influencé
par lui. Il y a avant et après Franquin. Il n'y en a pas
deux comme lui. |
|
|